« Pigeon ! Oiseau à la grise robe, dans l’enfer des villes, à mon regard tu te dérobes. Tu es vraiment le plus agile »
— Benoît Poelvoorde, poète colombophile malgré lui
Ah, le pigeon… cet être mal aimé des trottoirs, snobé par les moineaux, ignoré par les promeneurs, et pourtant, derrière son œil globuleux et son cou qui fait des loopings, se cache un athlète méconnu, un roi du ciel, un sprinteur à plumes. Car loin des corniches polluées et des baguettes volées sur les bancs publics, certains pigeons vivent une autre vie : celle de compétiteurs de haut vol, vénérés par des colombophiles passionnés. Oui, mesdames et messieurs, il existe des concours de pigeons voyageurs, et ce n’est pas une blague. Ou en tout cas, pas seulement.
Les origines : quand le pigeon était l’Internet du Moyen Âge
Avant que WhatsApp, 4G et Elon Musk ne rendent le monde « connecté », les humains avaient un autre système de messagerie : le pigeon voyageur. Depuis l’Antiquité, ces oiseaux fiers comme des barons servaient de messagers pour livrer de précieuses informations. Pendant les guerres, ils sauvaient des vies ; aujourd’hui, ils gagnent des coupes.
C’est au XIXe siècle que naissent officiellement les concours colombophiles, notamment en Belgique, patrie de la frite, du surréalisme, et du pigeon dopé à la betterave. Très vite, le sport se répand dans le nord de la France, les Flandres et au-delà. On parle de « pigeons de course », élevés avec autant de soin qu’un cheval de compétition — sauf qu’eux, ils rentrent tout seuls à la maison.
Concours de pigeons : sport de niche ou passion populaire ?
Alors, ces concours, ça vole encore ou c’est tombé en désuétude ? Eh bien figurez-vous que le monde de la colombophilie est toujours bien vivant !
En Belgique, aux Pays-Bas, en Chine (oui, vraiment), des fortunes s’échangent pour le pigeon champion. En 2020, un spécimen nommé « New Kim » a été vendu… 1,6 million d’euros. Plus qu’un studio à Namur avec vue sur un autre pigeon.
En Belgique, le sport reste actif, bien que moins populaire qu’il y a quelques décennies. Des clubs passionnés organisent encore des concours où les pigeons, munis de puces électroniques, s’élancent pour des courses de plusieurs centaines de kilomètres. Et pendant ce temps, le propriétaire boit un café, en attendant que son athlète rentre, air fatigué, plumes au vent, mais fierté dans le regard.
Le pigeon voyageur face au pigeon des villes
Ne confondez pas ! Le pigeon de concours n’a rien à voir avec son cousin urbain, celui qui boîte sur le trottoir, vit de miettes et n’a pas volé plus de trois mètres depuis 2014. Le pigeon de concours, lui, c’est un champion. Il s’entraîne, il s’alimente comme un sportif (graines bio, bains tièdes, massages post-vol) et il revient toujours à la maison, ce qui est déjà plus que certains ados.
Un sport à plume, un humour à picorer
Entre passion, nostalgie, et performance ailée, le concours de pigeon voyageur mérite son respect. Et son clin d’œil moqueur. Car oui, il y a quelque chose de profondément absurde et magnifique à parier sur un volatile pour qui « faire Lille-Marseille en 5h30 » est un dimanche ordinaire.
Alors la prochaine fois que vous croisez un pigeon qui vous regarde de travers, ne riez pas trop vite. C’était peut-être une star. Ou pire : un ancien champion reconverti dans la vie urbaine, tombé du perchoir de la gloire.